Le Kit BLSE

 

La résistance des bactéries aux antibiotiques constitue un problème majeur de santé publique.

L’épidémiologie des entérobactéries et notamment des Escherichia coli est en train de changer rapidement avec la dissémination mondiale d’un mécanisme de résistance de type Béta-lactamase à Spectre Etendu (BLSE), responsable d’une résistance à presque toutes les pénicillines et céphalosposrines, et qui s’accompagne dans 75% des cas d’une résistance aux quinolones, dans 67% au cotrimoxazole, et dans environ 30 % des cas aux aminosides.

Les principaux phénomènes à l’origine de ce problème sont :

- La pression de sélection exercée par les antibiotiques, dans leur usage chez l’homme ou l’animal ;

- La transmission manuportée via le réservoir digestif (péril fécal) ;

- La facilité de diffusion du mécanisme de résistance au sein des entérobactéries, liée à un support généique transférable (plasmide).

Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’industrie pharmaceutique investit peu dans la recherche sur de nouveaux antibiotiques. Plusieurs études font état d’une augmentation récente de la morbi-mortalité en raison d’impasses thérapeutiques liées à la résistance.

A Nice, les données épidémiologiques issues du CHU, ou des principaux laboratoires de microbiologie de ville attestent que 4 à 12% des E.coli isolés des prélèvements urinaires sont maintenant BLSE, ce qui est identique aux données nationales, mais dans les pays où il n’y a pas de maîtrise de l’utilisation des antibiotiques , et où le niveau d’hygiène est précaire, de 40 à 60% des souches sont multirésistantes. Notre région PACA est particulièrement exposée du fait du tourisme et de son ouverture au Sud.

Ces souches sont souvent révélèes à l’hôpital mais la majorité des patients porteurs se trouvent en ville, avec comme facteurs de risque principaux, l’âge, la prise récente d’antibiotiques, notamment de céphalosporines et de quinolones, un terrain diabétique, d’insuffisance rénale ou d’infections urinaires à répétition, les voyages dans les pays à risque.

La prise de conscience de cette endémie est insuffisante tant en ville qu’à l’hôpital. Le diagnostic microbiologique est codifié mais certains laboratoires de biologie médicale ne sont pas sensibilisés au rendu des mécanismes de résistance ou à organiser l’alerte au médecin traitant du patient, et les praticiens sont eux même désarmés devant ces antibiogrammes ne leur permettant pas une prise en charge habituelle de leurs patients. L’information des patients sur les moyens de limiter la dissémination de ces germes est encore rare.

En établissement de soin et lors de pathologies sévères, l’utilisation nécessaire mais aussi excessive des carbapénèmes, antibiotiques de référence hospitalier pour traiter ces bactéries BLSE, aboutit actuellement à l’apparition d’autres mécanismes de résistance, les carbapénèmases, posant des problèmes thérapeutiques majeurs, compliqués par la nécessité d’appliquer des mesures d’hygiène et d’isolement drastiques.

Dans ce contexte, nous nous sommes organisés en un réseau de collaboration ville-hôpital régional, qui rassemble avec le CHU de Nice, 6 hôpitaux généraux, les principales cliniques de PACA Est, et les principaux laboratoires d’analyse médicale. Ce réseau multidisciplinaire (infectiologues, médecins, microbiologistes, hygiènistes, pharmaciens) nommé RésO infectiO PACA Est, a décidé de mettre en commun ses données épidémiologiques , d’homogénéiser ses pratiques de diagnostic microbiologique, et a créé un outil partagé   de prise en charge des patients, le KIT BLSE.

Ce Kit comprend:

- une fiche d’information patient BMR, produite par AzurClin et le CCLIN,

- des protocoles thérapeutiques avec une version pour les patients ambulatoires et une autre pour les patients hospitalisés, sachant  qu’un référentiel thérapeutique sur les BLSE vient d'être publié sur le site de la SPILF en juin 2014*.

- une check-list des actions à mener par le médecin prenant en charge le patient. Il en existe une pour la médecine ambulatoire, comportant le numéro de téléphone du « conseil en infectiologie » du CHU ou du référent de l’établissement, et une pour les établissements de soins.

- Une lettre-type d'information pour un médecin correspondant.

L’ensemble des acteurs participe à une organisation identique : une fois le diagnostic microbiologique posé , le médecin en charge du patient est alerté , et le KIT lui est proposé .

               Une étude en 2012 au CHU de Nice à montré l'amélioration de la prise en charge des patients colonisés ou infectés par une entérobactérie BLSE sur le plan du traitement, de l'information au médecin traitant et du codage du séjour de ces patients qui justifient des ressources importantes.

               Une autre étude faite en ville  a montré que l’utilisation du KIT permettait d’améliorer les prescriptions antibiotiques des patients (cf onglet travaux du RéSO) et que cet outil était très apprécié des médecins utilisateurs.

Ces résultats nous ont encouragés à réaliser cette version internet du KIT BLSE afin de le mettre à disposition de l'ensemble des professionnels de santé, ainsi qu'à donner des informations aux patients sur les règles d'hygiène.

Cette démarche s’intègre dans un objectif de qualité et de sécurité des soins, et dans l’esprit du plan national d’Alerte sur les Antibiotiques dans ses trois axes stratégiques (renforcer l’efficacité de la prise en charge des patients, préserver l’efficacité des antibiotiques existants, promouvoir la recherche).

*La SPILF (Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française), vient de publier le 01062014, les recommandations de traitement des infections urinaires communautaires de l'adulte avec un chapitre consacré au traitement des BLSE.